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Ca ressemble à une vie

Roger Wallet

EAN13 : 9782916071022

Format : 21x12cm

novembre 2007

10 euros

 

Roger Wallet aborde la soixantaine, qu’il a toujours vécue – ou presque - picarde. De la Picardie il aime les cieux bas, les jours incertains et cette pluie tenace derrière laquelle, en prêtant l’oreille, on entend la petite musique de la vie.
Professionnellement, sa carrière s’est partagée entre l’enseignement et l’action culturelle. Ses nombreuses infidélités à l’Education nationale l’ont mené du milieu carcéral au théâtre et à la marionnette. A la chanson aussi – il en signera, de 73 à 83, une soixantaine avec un groupe beauvaisien. 
Au début des années 90 il aborde enfin l’écriture, dans le parage amical de Jean-Pierre Cannet (« Gueules d’orage », « Bris de guerre », « La grande faim dans les arbres », « Little boy »…). Quelques nouvelles plus tard, il publie son premier roman, « Portraits d’automne » (Le Dilettante, 1999 ; Folio, 2002). Son second texte long (« Ce silence entre nous », Denoël, 2000) confirme son goût des univers quotidiens, des vies simples, des gens « de peu », de ces existences où « le chagrin trouve à s’employer ».

 

 

Ça ressemble à une vie

 

la dernière fois que je l’ai vu il était mort

 

la guerre loin l’absent

cramé odeurs de chairs

bruits terrifiants

après coup silence

papier bleu tampons un beau jour

un moment l’envie de...

[elle dit]

vertiges nausées ça remue ça cogne... en hiver

sûrement vers la noël...

après que bien proprets réparés recousus alignés

sous les drapeaux en rang d’oignons – là où plus

rien ne bouge.

le treize ce fut donc. qu’il bougea. le tiot, le fils.

en décembre sur la fin de la guerre...

 

 

 

Je ne suis pas familier de la poésie. Je ne sais pas lire la poésie. J’ai donc écrit quelque chose dont on pourrait dire « Ça ressemble à de la poésie ». C’est en fait une nouvelle. Très elliptique, mais une nouvelle. Une histoire comme je les aime : très simple, de gens très simples. Lui est menuisier, il montera sa petite entreprise. Mais c’est ailleurs évidemment que « ça » se passe, en marge puis hors de la vie professionnelle. « Ça » : un amour qui lui tombe sur le râble sans prévenir et va bousculer sa vie. Et puis il y a ce fils, handicapé sans qu’on en dise plus mais sur qui l’école n’a pas prise. Ils vont apprendre à se comprendre et à s’aimer. Un jour, j’ai acheté la maison mitoyenne de la leur. Je suis devenu leur familier, leur confident. Une chaise renversée dans la cuisine : M. Even partira sans faire de bruit. Une de ces vies bien peu considérables dans lesquelles le chagrin trouve à s’employer… 
Qui a dit triste ? Non, pas triste : silencieuse, n’était l’idée saugrenue du voisin de la mettre en mots…


« Ça ressemble à une vie »

 

Roger Wallet

 

 

Bibliographie :
« Björn Fühler, peinture et marionnettes », essai, Do Bentzinger éd., 1996
« Les Voisinlieusards », reportage, éd. Beauvaisienne, 1998
« Portraits d’automne », roman, Le Dilettante, 1999 ; prix du livre de Picardie 2000
« La chanson de Carco », nouvelle, éd. G&g
« Ce silence entre nous », roman, éd. Denoël, 2000
« 33 tours », nouvelles, H.B. éd., 2001
« Petit dictionnaire des futilités », nouvelles, éd. G&g, 2001
« La mécanique du cœur », roman, éd. G&g, 2002
« J’ai encore cassé le marteau-piqueur », essai pédagogique, Crdp d’Amiens, 2003
« La blanche de Bruges », roman, éd. G&g, 2004
« L’accroche-coeur », essai pédagogique, Crdp d’Amiens, 2004
« 2004, jour le jour », journal, éd. G&g, 2005
« Ça ressemble à une vie », poème, éd. des Vanneaux, 2005
« Soin de vous », chronique hospitalière, Accord CHB, 2006
« Sans retour », roman (photos d’A. Wattel), Cadastre 8zéro, 2006
« Les biclounes de l’Argilière », roman (avec E. Balaert), Ville de Montataire, 2007
Collaborations diverses :
« Au bleu picard », textes brefs, éd. G&g, 2003 
« Nos années soixante », textes brefs, éd. G&g, 2004
« Picardie, autoportraits », textes brefs, éd. de la Wéde, 2005
Traductions (avec P. Crognier) :
« Pas le droit à l’erreur », Angel Reinhart, éd. Sansonnet, 2003 
« Djebel », Angel Reinhart, éd. G&g, 2004

Critiques

Une critique de Jacques Demarcq pour le cahier critique de poésie (CIPM de Marseille)

 

Un roman bref, vif synopsis : trente-trois séquences de moins d'une page, à deux exceptions près. Dans une langue nette, d'une pudeur tranchante. L'histoire d'un voisin menuisier, dans un village du Beauvaisis. Un premier fils, qui sera instit. La guerre, l'occupation, puis un second, simplet. La menuiserie se modernise. Une bibliothèque, un jour, chez une cliente, qui lui prête un livre, et devient sa maîtresse. L'épouse s'en va. Sept ans après, elle meurt d'un cancer. Retour de l'ado attardé chez le père vieillissant. Qui vend son entreprise, s'occupe de son fils. Arrivée du narrateur, qui se prend d'affection pour le simple et l'homme aux deux amours. C'est tout. Mais dans une prose versifiée de blancs qu'aurait adorée Cendrars : "on parle souvent ensemble / complicité / et puis dans la semaine il est seul / passé soixante-dix même si je les fais pas / photos / photos et silences / Marthe et… il l'appelle la dame / ces deux femmes je n'en ai mérité aucune.

 

Jacques Demarcq

 

 

 

Une critique de François Huglo

 

Mieux qu’un recueil, il s’agit d’un montage serré de plans-séquences, d’un grand film où flash-back après flash-back sont enfilées des perles de temps, précipités de sensations, d’émotions, indissociables. Ou bien chaque poème serait un recueil de « choses humaines », comme disait l’autre, « copeaux ô l’odeur trouble des femmes », nids de silences chauds, sensibles, tissés par les mots, la mise en pages, la ponctuation, les parenthèses, crochets, italiques. Ce qui vaut d’être ainsi sauvegardé ? L’amour. Un accouchement. La guerre : « ramper dans cette merde froide ». « Adieu tristesse / bonjour tristesse » (Paul Eluard). Le fiston, en centre spécialisé, apprend à lire. Il dessine le chat. Attaque. Cardio. La jeunesse par Aznavour. Le fils peint. « Les oiseaux c’est des rêves (il dit) ». Il admire Miro, Matisse. Encore un livre, un sourire. La chatte. Pudeur ? « La tendresse même ». Jusque dans le récit de la mort du père.

 

François Huglo

 

 

Une critique de Jean-Louis Rambour

 

C’est l’histoire d’une rencontre. Parce que les arbres fruitiers dans le jardin de la nouvelle maison qu’on emménage sont à tailler et que le voisin sait y faire. La rencontre a lieu à la page 21. Il se trouve que le type sous sa casquette - et, au bec, la cigarette -, est un ancien menuisier : les arbres ça le connaît. Louis Even, donc, le père de David le simplet et de Martin le doué, le grand-père de Cédric et d’une fille sans nom (une coquine, on en sait assez), le monsieur aux deux femmes qu’il n’a pas méritées, cette Marthe qui partit un jour discrètement et mourut encore plus discrètement de son cancer à elle et puis, l’autre, celle de Bonjour Tristesse, lui Louis qui en était resté à Saint-Ex. Et qui va mourir à son tour. Une attaque, comme on dit. Il en a connu d’autres, des attaques, celles des "vert-de-gris" quand il était petit, celles pendant "la guerre loin", en Algérie ? en Indochine ? Partout où c’est loin et qu’il y a de la guerre. Mais là, l’attaque, page 32, elle ne pardonne pas : c’est celle qui vous fait tomber de la chaise. Définitivement. Et tout ça pour une affaire d’arbres fruitiers à tailler. Voilà où nous mène Roger Wallet. Dans une poésie pleine de chair, pleine de vie, une vie entière - commencée évidemment bien avant qu’on ne la croise -, une vie entière racontée. Et pourtant il fait tout pour en dire le moins possible, il économise les verbes, les présentatifs, les articles, les guillemets, les majuscules, les compléments qu’il se contente d’annoncer par leur préposition, ça suffit bien : il fait celui qui n’est pas là à écrire. Ce sont des groupes de mots comme des légendes pour photos et la vie vient au bas de chaque page, elle s’introduit dans les points de suspension, dans les sous-entendus, les ellipses. Et on se prend à faire les gestes qui illustreraient la partition proposée. Oui, les gestes remplacent la structure grammaticale, on est dans l’oral et la poésie de Roger Wallet se lit donc aussi avec les mains. On aime Louis et ses amours, Marthe et ses douleurs, David et ses tableaux en acrylique, Aznavour écouté à pleine force dans la Scénic ; on a envie de goûter un Carl Upmann, de prendre le champagne offert aux ouvriers, de ressortir le vieux tôlé qui pourrit dans la remise et de lire (enfin) Sagan. Le poème de Roger Wallet est la biographie d’un homme, d’une époque. C’est le poème d’un homme qui aime.

 

Jean-Louis Rambour

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